Le voeu de 1624

SUPPLIQUE POUR LE RENOUVELLEMENT DU «VŒU DE 1624» À SAINT JOSEPH

J’ai pris sur moi de rédiger cette supplique après avoir entendu plusieurs personnes exprimer leur profond désir de voir se produire ce renouvellement, désir auquel je m’associe de tout cœur. Mes dix ans de travail au service de saint Joseph et de la Sainte Famille comme directeur du Centre de recherche et de documentation (maintenant fermé) de l’Oratoire du mont Royal m’ont permis de mesurer l’abondance des grâces dont le Canada a bénéficié de la part de ce grand saint.

Nous avons […] fait une grande solennité, où tous les habitants se sont trouvés, et plusieurs (Autochtones), par un vœu que nous avons fait à saint Joseph, que nous avons choisi pour le patron du pays et protecteur de cette Église naissante. Nous envoyons en France le Père Irénée (Piat), qui vous communiquera. (Père Joseph Le Caron, Récollet, Québec, fin juillet - début août 1624) Lettre citée par le père Chrétien Leclercq, Premier Établissement de la Foy dans la Nouvelle-France, Paris, 1691, p.287.

Voeu de consécration du Canada à saint Joseph en 1624. Oratoire Saint-Joseph de Québec

Voeu de consécration du Canada à saint Joseph en 1624. Oratoire Saint-Joseph de Québec

Le « vœu » de choisir saint Joseph comme patron du Canada, et protecteur de l’Église qui commençait à s’y implanter, a été fait par les récollets Joseph Le Caron, Nicolas Viel et Gabriel Sagard, en un moment de grandes difficultés, pénurie, presque famine, insécurité et graves menaces de toutes sortes auxquelles était exposée la cinquantaine de premiers habitants de la petite colonie de Québec. Au point que Champlain avait décidé de reconduire sa jeune épouse, Hélène Boulé, en France, d’où le départ du 15 août 1624 sur le navire qui transportait la lettre.

Il est important de noter que la « grande solennité » n’eut pas lieu le 19 mars de cette année-là, car à cette date les Récollets étaient encore en mission loin de Québec. C’est en revenant de Huronie pendant l’été avec la flottille de 60 canots chargés de peaux pour le commerce de la traite, que les Récollets avaient organisé la « grande solennité » du vœu: après le 16 juillet 1624, date de leur retour aux Trois-Rivières et à Québec, mais avant le 15 août date de l’expédition de la lettre.

En ces temps de pandémie mondiale qui menace la santé, la vie et la sécurité de l’humanité et de nos sociétés, nous ressentons fortement le besoin et l’urgence de faire plus que jamais appel à la puissance d’intercession et de protection de Joseph, saint Époux de la Vierge Marie et Père protecteur de Jésus Enfant. Un moyen privilégié ne pourrait-il pas en être le renouvellement du vœu et du choix fait en 1624 par les premiers missionnaires?

Les situations d’urgence commandent des réactions rapides. Par leur initiative au cœur de la crise qu’ils vivaient, les Récollets ont posé un jalon fondateur et créé un précédent qui a eu des répercussions historiques durables, ce qui rend d’autant plus facile de poser nos pas dans leurs pas. À l’époque, il n’existait pas encore de diocèse en Amérique du Nord. Il n’y avait encore qu’une «Église naissante».

Le futur premier évêque de Québec, François-Xavier de Montmorency-Laval, venait de naître l’année avant le vœu. Il arriva à Québec 35 ans après celui-ci, en juin 1659, comme Vicaire apostolique, mais il assuma d’emblée le patronage créé par les Récollets, comme un acquis indiscutable, ainsi qu’il le montre dans cette invocation pour un envoi en mission, implorant les bénédictions de «Notre-Seigneur Jésus-Christ, le souverain Pasteur des âmes» et concluant :

Nous le supplions très humblement par ses mérites, par l’intercession de sa très sainte Mère, du bienheureux saint Joseph, Patron spécial de cette Église naissante, de tous les SS. Anges tutélaires des âmes qui sont sous notre charge et de tous les saints Protecteurs de tout ce christianisme. (Mgr de Laval)

Depuis presque quatre siècles, il y a eu des renouvellements et maintes confirmations de ce patronage à différents niveaux de la hiérarchie, la première étant celle des Jésuites qui avaient repris des mains des Récollets le flambeau de l’évangélisation du Canada, surtout chez les Hurons.

Saint Joseph présente le Canada à Marie de l’Incarnation. Oratoire Saint-Joseph de Québec.

Saint Joseph présente le Canada à Marie de l’Incarnation. Oratoire Saint-Joseph de Québec.

  • Déjà en 1634, en route pour la Huronie et devant des difficultés croissantes, le P. de Brébeuf avait eu recours au « pouvoir du glorieux saint Joseph, auquel Dieu m’inspira, dans le désespoir de toutes choses, de promettre vingt Sacrifices (messes) en son honneur » (Relation de 1634). Un recours qu’il eut l’occasion de renouveler avec persévérance: « Je vis par plusieurs fois tout renversé et désespéré, jusqu’à ce que j’eus particulièrement recours à Notre-Seigneur Jésus, pour l’unique gloire duquel nous entreprenions ce pénible voyage, et que j’eus fait un vœu au glorieux saint Joseph. » (Relation de 1635)

  • En 1637, la célébration festive du patronage fut reprise et organisée pour la première fois le 19 mars par les Jésuites Lallemant, Brébeuf et autres, ce qui lança une tradition de plusieurs dizaines d’années… « chacun bénissant Dieu de nous avoir donné pour protecteur, le protecteur et l’ange gardien, pour ainsi dire, de Jésus-Christ son Fils.» (Relation de 1637)

  • Du côté du Saint-Siège, de qui les missionnaires Récollets avaient directement reçu, avant leur départ de France au printemps 1615, tout pouvoir canonique pour évangéliser au Canada par le placet du pape Paul V du 26 mai 1615, son successeur le pape Urbain VIII avait ratifié en 1637 la réalité et validité du vœu en accordant « des Indulgences plénières pour les jours de la Conception de la Sainte Vierge et de notre glorieux patron et protecteur saint Joseph » (Relation de 1637).

  • En 1703, le premier Rituel du diocèse de Québec classera officiellement parmi les « festes immobiles », celle de « Saint Joseph, premier Patron du Païs ».

  • En 1834, ratification renouvelée et ultime de la demande des évêques: le pape Grégoire XVI proclame saint Joseph « Premier patron du Canada » et autorise le diocèse de Québec à en célébrer la fête le 19 mars.

  • En 1876, quand l’épiscopat demanda au Saint-Siège de proclamer sainte Anne patronne de la province de Québec, on put lire une note révélatrice de cette continuité dans le mandement de l’archevêque de Québec: « sans préjudice, toutefois, au titre que possède depuis 1624 saint Joseph, époux de la Bse Vierge Marie, comme patron du Canada tout entier. »


RENOUVELER LE «VŒU DE 1624»?

Le vœu des Pères Récollets a jailli au sein de l’urgence, un cri jailli de leur cœur et de leur foi profonde dans le tourbillon des vicissitudes du moment. Leur vœu fut une initiative spontanée, bousculant les prévisions, les planifications, les procédures, comme les Apôtres dans la barque malmenée par la tempête s’écrièrent avec effroi: « Seigneur, cela ne te fait rien que nous périssions? » (Mc 4,38)

La crise majeure de 2020 est sans doute une occasion d’ajouter à la longue liste des recours à saint Joseph en terre canadienne, de manifester une fois de plus la foi, la confiance, l’espérance et la charité chrétiennes dont ont fait preuve les meilleurs de nos devanciers, en suivant leur exemple: renouveler le vœu et choisir à nouveau saint Joseph comme Patron et Protecteur tout en implorant guérison et cessation du mal qui accable notre société.